The Courettes et Gyasi, live à Lille et à Amiens - Oh My!
On avait gardé un excellent souvenir de la performance de Gyasi à Binic l’été dernier en clôture du festival breton, et l’annonce de son passage par deux fois chez nous nous avait bien fait trippé, lorsque le programme officiel du festival itinérant Les Nuits de l’Alligator avait été publié. Avec The Courettes en guise de première partie de luxe, les deux soirées (à l’Aéronef, Lille, jeudi dernier, et à La Lune des Pirates, à Amiens, ce samedi) promettaient une bonne décharge de rock’n’roll et autant d’occasions de tricoter des gambettes, de se vider la tête et de se payer une bonne suée.
Premier épisode jeudi soir donc, l’Aéro en configuration club est sold out, je viens de sortir du boulot et j’arrive au deuxième morceau du set des Courettes.. Petite (relative) déception, je m’attendais à retrouver le couple infernal épaulé par un troisième larron (le bassiste qui venait de les accompagner sur les quelques dates danoises de la semaine dernière), ce qui aurait apporté une petite note de nouveauté et un son plus riche et étoffé, mais non, Martin et Flavia sont à nouveau seuls à délivrer leur sweet & spicy garage punk ultra-basique quoique Phil-Spectorien. Rien de nouveau donc à l’horizon, mais on s’en tape, le courant passe toujours entre les deux lovebirds et leur public, avec une Flavia particulièrement enjouée et jamais avare de sa personne. Elle (nous) mouille toujours autant le maillot, la diablesse!
The Courettes - Trashcan Honey
Même chose à Amiens deux jours plus tard pour la dernière date de cette partie de la tournée. Sur l’étroite scène de la Lune Des Pirates, la jadis emblématique salle locale situé au milieu du quai Belu (qui n’avait pas vu de concert de r’n’r depuis - au moins - vingt ans!), The Courettes enchaîne ses hits et ses nouveaux titres avec une pugnacité inattaquable, forçant la main à un public nombreux mais bien timoré (rien de surprenant, on est en France, après tout).. C’est ce que j’admire le plus chez le couple - au delà du show réglé au millimètre: cette capacité à aller chercher le public à l’arrache et à le faire basculer dans le good clean fun à grand coups de singalong tunes ultra-simples et énergiques, propulsé par un enthousiasme toujours intact et un sens de la répartie jamais pris en défaut.
Gyasi - Tongue Tied
Gyasi, c’est ma foi bien différent. Le personnage intrigue, et on devine derrière le glam rock hero androgyne super-travaillé une personnalité singulière, d’un naturel sûrement réservé, voire introverti, dont l’alter-ego serait à la fois le miroir inversé et la projection fantasmée. La scène est donc aussi une scène de théâtre et le glam-rocker se mue régulièrement en mime, le geste rejoignant les lyrics afin d’évoquer ce que ça peut signifier de vivre, dans la peau de Gyasi, une adolescence obsédée par Ziggy Stardust et Marc Bolan, au fin fond d’un état comme la Virginie Occidentale ..
Mais ce qui fait surtout le charme du rock'n'roll peacock, c’est cette artificialité complètement assumée, poussant les clichés jusqu’au delà du potentiellement ridicule et finissant par toucher au sublime – d’autant plus que musicalement, les compos sont de super qualités et que le groupe est tight à souhait! La section ryhtmique est la même qu’à Binic (Sam Skorik aux fûts et Cole Bearden à la basse et aux claviers), Leilani Kilgore, la nouvelle guitariste (qui remplace Ricky Dover, parti tourner avec Grace Potter), assure du feu de dieu, et la revisite de tout le catalogue des clichés les plus fun du glam des 70's séduit et fonctionne à 200%!
Les deux gigs ont commencé de la même manière, avec un Tongue Tied bien rentre-dedans d’entrée, suivi d’une salve de trois brûlots imparables (Androgyne, Teacher et Fast Love) et même si on pouvait regretter le choix du blues bien seventies à-solo-de-guitare-virtuose-obligatoire au bout de dix minutes (je peux comprendre ceux et celles qui estimaient que ça cassait le rythme et bridait la montée en puissance du combo), le reste du concert allait vite décoller vers la stratosphère, avec un seul mot d’ordre: rock’n’roll à fond la caisse!!! le glam rock versant classieux et stylé de T-Rex et de Bowie, sexy, ambigu, poseur et sincère, plutôt que celui plus prolétaire et heavy-outrancié de Slade ou de Gary Glitter, mais du heavy-duty rock’n’roll quand même, avant tout destiné à orgasmer sur le dancefloor..
Objectif atteint à Lille jeudi soir - salle comble et public ravi, et encore plus dans l’espace confiné de la Lune, ou le groupe s’est lâché pour la toute dernière date de cette mini-tournée/découverte de la France et de ses publics. J’ai pris un pied monumental jusqu’à la conclusion du set, All-Messed Up et bien sûr Colourful («No, I’m not normal, I was born colourful – Ow Yeah!») – titanesques!
Gyasi - 23
Au final, excellent bilan que cette double performance nordiste, avec en bonus le plaisir de retrouver les potes de l’axe Saint-Quentin/Amiens/Beauvais, venus en force mettre l’ambiance, et de terminer la soirée en discutant au bar avec le Gyasi lui même, aussi cool que le proverbial concombre, et une Flavia toujours aussi pétillante et désarmante de spontanéité!