Daddy Long Legs + The Idiots, 4AD, Diksmuide, hier soir
La tournée européenne de Daddy Long Legs les a amené par deux fois dans la région, la semaine dernière à Saint André-lez-Lille pour une soirée Les Nuits de l'Alligator hébergée par l'Aéronef, et hier soir à Diksmuide au 4AD, de l'autre côté de la frontière. Deux perfs en premières parties, tout d'abord du Londonien Jim Jones et de son nouveau combo The Righteous Mind à Lille, puis ce vendredi de The Id!ots, quartet basé à Gand et dernier projet en date de deux vétérans (ex-Ugly Papas) des scènes locales.
Le concert de Lille était franchement pas mal: beaucoup de monde, de curieux surtout, venus profiter de l'occasion (concert gratuit) pour découvrir des groupes inconnus du grand public et accessoirement plonger pendant une soirée dans cet étrange (aux yeux des plus jeunes) et à moitié oublié courant musical de quarant-(cinquant)-enaires called Rock'n'Roll. Une bonne ambiance, donc, mais sans les grains de folie individuels et le lâcher-prise collectif qui font les grandes bacchanales rock'n'roll.
Je ne suis pas vraiment fan de la Jim Jones Revue, mais j'étais tout de même curieux de découvrir le nouveau projet de l'ex-Thee Hypnotics, bien titillé par un excellent single paru il y a peu. Sur scène le gospel voodoo rock'n'roll incantatoire des British sonne plutôt bien, avec des compos qui, dans l'ensemble, tiennent la route. Le problème, c'est plutôt le chant, Jones étant quand même assez limité à ce niveau-là. Ça passait (plus ou moins) à l'époque de la Revue et de son garage-punk à la Bunker Hill/Little Richard sous amphét', ça le fait moins sur des plages plus lentes et atmosphériques. Résultat, des baisses de régimes gênantes par moment et un feeling pas toujours au top, mais aussi des good vibes sur certains titres comme sur l'ultime morceau du (court) rappel.
«Good Vibes», par contre, ça colle parfaitement au généreux punk-blues jouissif et débridé des trois New Yorkais (from Brooklyn, Baby!) de Daddy Long legs! C'est peu de dire qu'on était impatient de recroiser la route de ces trois-là depuis le gig qui nous avait tant plu à Roots & Roses l'année dernière, et leur set d'une cinquantaine de minutes à St. André a au moins comblé cette fringale-là, à défaut de nous coller au plafond. Pas la faute du groupe, le trio trouvant vite sont rythme de croisière après quelques ajustements, juste l'inévitable décalage entre un gang qui fonctionne tout à l'énergie et un public certes attentif et bienveillant mais peu démonstratif. Bonne ambiance et bon feeling, donc, mais rien de commun avec le gig de ce vendredi en Belgique..
Daddy Long Legs - Skinny Woman
Arrivée pile-poil à 21h à Diksmuide, le temps de se faufiler jusqu'au bar dans un 4AD plein à craquer de grands chauves à barbes de vikings portant T-shirts à l'effigie de The Idiots – manifestement le gros du public est venu pour la tête d'affiche – et Daddy Long Legs et ses deux compères lancent la machine à danser le blues avec un premier titre et un son euh.. bizarre. Problème de jack défectueux, pas grave, Murat Akturk tripatouille une minute le jack en question pendant que le Daddy bonimente et annonce la couleur dominante de la soirée : da Blues, my man! Ouais mais faut s'entendre sur les termes mon pote, pas le blues pachydermique et soporifique de bedonnants profs de guitare à queue de cheval, non, buddy, le Blues, quoi! Hargneux comme le dentier de ma grand-mère attaquant un croûton vieux de 15 jours, le genre de blues teigneux qui garde un œil lubrique sur le cul de la femme blanche et l'autre sur le goutte-à-goutte de l'alcool de contrebande qui drippe à la lueur de la lune.. Sonny Boy Williamson est convoqué avec son Skinny Woman, Death Train Blues fait monter la pression dans la chaudière, Akturk et Josh Styles, le métronome humain au fracassant maracas, quittent un instant la scène pour laisser Daddy Long Legs, ce «Big Bad Ginger Motherfucker from St. Louis, Missouri», régler seul son compte au Bourgeois Blues de Leadbelly.. Fuck Yeah! semble être la réponse collective du public, qui démarre au quart de tour, ça gigote sévère au premiers rangs, ça stompe et ça hulule son approbation dans toute la salle, et le concert reste sur orbite jusqu'au rappel unique arraché sans trop de difficulté par un public aux anges. Ce soir, ils l'on gardé pour la fin, ce Motorcycle Madness orgiaque et pétaradant, refrain repris à tue-tête et poignée dans le coin! Hoo Yeah, Ton-up! Ton-up! - that's what I like..
Larges sourires comblés et ruée généralisée vers le coin du merchandising, ça a manifestement séduit le public, mais ce dernier attend surtout The Idiots, les locaux de l'étape à la apparemment déjà solide réputation. Nous, on connaît pas, tant mieux, c'est l'occasion de découvrir le quartet gantois mené par Dick Descamps. Un premier titre un peu shoegaze, mais dès le second morceau le combo commence à pulser velu, et au final nous sert sur un plateau un dirty pospunk hardcore rock'n'roll méchamment puissant (mais pas bourrin) et capable de finesse et d'humour. Mention spéciale au guitariste Wouter Spaens, juvénile zébulon à l'impressionnante capacité de rebond et au jeu de guitare sec et précis.
The Idiots live at 4AD, Diksmuide
Super soirée, en résumé, de celles qui restent gravées dans les mémoires pour toutes les bonnes raisons, sans hype et sans frime, à la belge, quoi! Daddy Long legs est déjà retourné aux U.S.A. quand vous lirez ces lignes, et The Idiots jouent encore un peu partout en Flandres jusqu'en avril. Dans tous les cas, catch these bands live as soon as you can if you need a healthy fuckin' great shot of rock'n'roll! Well done, guys!!!