Quatrième année, quatrième édition pour ce grand « petit » festival belge avec tout ce que l'expression peut sous-entendre de positif et d'attrayant : un événement à taille humaine, loin des gigantesques barnums de l'été, qui ont toujours leur intérêt propre, certes, mais qui peuvent aussi lasser. Ici, à l'instar du Sjock Festival de Gierle, autre « petit » fest ultra-spécialisé bien kool, R&R est basé sur une idée simple, fédératrice mais ouverte : le Blues, est ses rejetons plus ou moins roots et/ou turbulents, 12 heures d'affilées, sur deux scènes en alternance, avec en bonus tout ce qu'on aime chez nos voisins belges dès qu'on parle de concert en plein air!
A savoir, une organisation aux petits oignons, efficace et sans parano, et une foultitude de bonnes idées toutes bêtes mais qui font la différence : bouffe bio / locale variée et de qualité, système de toilettes d'une rare efficacité, espace shopping bien vu, transats à disposition pour profiter de la prairie et du soleil entre deux gigs, un tout-sous-chapiteau en cas d'intempéries, et même un stand thé/café/pâtisseries maison pour les p'tits creux – mention spéciale à la version Lessinoise du Cheesecake – Yummy !
On avait testé l'année dernière lors de la troisième édition, alléché par une affiche pleine de promesses (Bob & Lisa, Jon Spencer Blues Explosion,...) et on avait gardé un excellent souvenir de cette première expérience, notamment le gig impeccable du toujours pétulant Barrence Whitfield et de ses Savages, et une découverte de taille, Romano Nervoso – un généreux combo local à découvrir absolument !
La découverte, c'est précisément l'accroche principale de R&R : au delà des têtes d'affiches susceptibles d'attirer les aficionados (The Godfathers, The Jim Jones Revue et The Stranglers cette année), l'objectif du festival est surtout de faire découvrir à un plus large public des groupes jusqu'ici malencontreusement et injustement restés sous les radars, et ce dans des styles ou sous-genres à priori peu porteurs : blues dans toutes ses acceptations, mais aussi bluegrass, hillbilly, Americana au sens large – le genre de trucs parfois considérés comme définitivement out (surtout dans notre bel hexagone) mais qui, si on est un minimum à l'écoute de l'air de temps, connaissent un revival dynamique et inspiré ces dernières années.
De fait, c'est moins la frange garage-punk rock'n'roll de la programmation qui nous a séduite cette année, que les combos portant haut les couleurs d'une Americana narquoise et déjantée... mais de toute manière ça fait déjà quelques années qu'on a pas entendu un vrai bon groupe garage, right ? Madé J, jeune trio local potentiellement prometteur, a certes payé ses dues à la sainte-trinité Sonics/Stooges/MC5, mais pêche encore par excès de sagesse; un set techniquement parfait, mais que tout cela est convenu et propret ! Allez, on espère pour eux que l'âge et l'alcool leur apporteront ce qu'il faut de vices, de sexe, de rage et de violence pour vraiment nous décoller la pulpe du fond..
Quant à Jim Jones et sa Revue, dire qu'on est pas ressorti enthousiasmé de leur perf tient de la litote – toujours le même problème avec 90 % des groupes British d'aujourd'hui : Look et pause impeccables et aucune chanson digne de ce nom !!! Autre petite déception avec l'annulation du set des suisses de The Hillbilly Moon Explosion, j'attendais avec impatience de me frotter en live à leur rockabilly à la fois roots et innovant. Too bad, et partie remise je l'espère.. on s'est consolé avec une verre de Roses, la kriek spécialement brassée pour le festival, et les pétillantes performances de Larry & his flask et de Urban Voodoo Machine, pile-poil ce dont on avait besoin pour se mettre en jambes à l'heure de l'apéro..
Non, la vraie claque est venue de deux formations quasi-inconnues par chez nous. Slim Cessna's Auto Club, tout d'abord, from Denver, Colorado, mine de rien 20 ans d'existence et un paquet d'albums sous le collier, a envoûté le public avec son très étrange homebrew d' American Gothic gospel country rock habité et intriguant, archétype du Denver Sound depuis la séparation de 16 Horsepower. Le genre de truc improbable et inattendu qui mixe country, rock'n'roll et inspiration-imagerie gospel tendance Tent Revival (manquait plus que les serpents à sonnettes tenus à bout de bras). Et en plus, ça fonctionne ! Malgré les références incessantes à Jeezuss (potentiellement agaçantes pour les athées pratiquants et autres mécréants) et surtout grâce à l'incroyable charisme du duo de chanteurs-screamers-imprécateurs formé par Slim et son partner Jay Munly, le sextet a emporté l'adhésion et déclenché ovations et yeehaws à l'heure normalement dévolue à la siesta.
Autre formation hors-norme - on les croirait sortis d'un épisode de Justified et d'ailleurs ils déboulent tout droit des collines de l'Indiana.. - le Reverend Peyton's Big Damn Band, à savoir le Rev lui-même, barbe biblique et corpulence de trucker, Breezy, sa meilleure moitié, à la washboard, et Aaron “Cuz” Persinger aux drums, soit un power-trio donnant dans le hillbilly country delta blues revisité high energy ! Ça faisait aussi un moment que leur « Clap your Hands » nous faisait frapper des mains, stomper des pieds et hurler out loud à chaque écoute, et on attendait avec impatience de voir ce que ça pouvait donner sur scène.. Pas déçu, on a été ! Gouaille et sens inné du show, solides compos entre tradition et rafraîchissement du genre, quelques pauses entre deux titres le temps pour le Rev de nous raconter deux trois anecdotes sur sa collection de guitares amoureusement bricolées et sur sa passion pour Charlie Patton – Pas de doutes, le trio sait jouer avec son public et l' associer à son amour immodéré pour le blues des origines, et ses cousins folk, bluegrass and co.
Bilan très positif donc, pour ce festival hautement recommandable à tout point de vue. Pour peut que vous soyez un tant soit peu branché blues et dérivés pas trop sages, le R&R est dors et déjà un must à inscrire sur vos tablettes; facile, d'ailleurs, la date – le 1er mai - est toujours la même d'une année à l'autre !